
Une nuit que Renard et ses amis sur leur île dormaient,
Un perroquet malade posé par la mer
Arriva sur le sable et mourut sur la plage.
Inconscient du danger, ils le mirent en terre
Sans savoir qu’il traînait dans son gros œsophage
Ce qui l’avait tué : un noyau de cerise tout enflé.
La Mort se transforma en Vie, et le noyau devint forêt,
Séduisant par ses fruits un clan de volatiles
Avides de douceurs, paresseux et gourmands.
Fort bien, se dit Renard, le sol sera fertile
Et la terre bien riche avec leurs excréments.
Il ne pensait pas si bien dire, rendu fous, les perroquets
Se ruaient sur les cerisiers, s’empiffraient, rongeaient, obsédés
Par la douceur du fruit ; tous les oiseaux des lieux
Étaient venus croquer les cerises, et bientôt,
Sous cette grasse nuée, le tapis fangeux
Produit par les dépôts de ces oiseaux patauds
Devint tant abondant que les arbres en étaient intoxiqués.
Trop nombreux ils étaient, beaucoup trop ils mangeaient, et alarmés,
Les autres animaux demandèrent à Renard
De trouver un moyen
De sauver leur îlot de pareil cauchemar,
D’arrêter le déclin.
Alors Renard alla parler aux oiseaux pour les raisonner,
Leur expliquer leur intérêt à manger mieux, et le danger
De produire autant de déchets dans la région.
Se moquant du danger, goguenards et railleurs,
Les oiseaux l’ignorèrent, et la situation
Bascula promptement dans l’horreur et l’aigreur :
L’amas acide de guano se répandit dans la contrée
Les végétaux agonisaient, et les oiseaux furent obligés
D’avouer que leur île mourrait et par leur faute.
Ami lecteur, pourtant, le prudent est savant.
Renard l’avait bien dit, et c’est la tête haute
Qu’il leur répondît quand vint l’heure du bilan.
Les volatiles allèrent chez lui trouver conseil, et s’excuser.
« Égoïstes feignants, vous pleurez maintenant ! C’est terminé,
Il vous fallait, avant, penser au contrecoup
De votre suffisance et de votre insouciance.
Je n’ai rien à vous dire, allez dans votre boue,
Votre juste sentence est cette pestilence. »
Contraints par la nécessité, la faim, le regret du passé,
Et assagis par leurs erreurs, Renard les jugea enfin prêt
A freiner le malheur qui frappait le pays.
Connu de Renard seul, derrière une cascade
Se trouvait un grand parc, gorgé d’eau et de vie,
Épargné des oiseaux, ni sali ni malade,
Rempli d’immenses cerisiers. Ils savaient comment consommer
Dorénavant, et ils agirent avec responsabilité,
Chérissant cette chance étrange et imprévue.
Avec l’eau et le temps, la fange s’estompa,
L’île guérit enfin, et plus jamais l’abus
Ne dompta le bon sens, qui depuis règne en roi.
Renard a eu du flair :
L’épreuve du malheur est le meilleur des maîtres,
Car c’est dans la misère
Qu’on veut sur le passé s’ouvrir une fenêtre.
L’acte engagé l’emporte
Quand il terrasse enfin la procrastination.
Il inspire, il exhorte,
Il ouvre le chemin vers notre évolution.
écrit par Martin Monnot
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