Les entreprises sont devenues des acteurs centraux de la transition écologique. Devant s'adapter au dérèglement climatique pour conserver leur légitimité, leur légalité et garantir leur succès, une nouvelle forme d’entreprise qui vise à contribuer à une société plus durable est en train de naitre.
L'entreprise devient un acteur incontournable de la transition écologique
73% des Français pensent aujourd’hui que les entreprises sont capables de faire bouger les choses alors que ce pourcentage tombe à 65% pour la confiance apportée à l’État pour prendre les mesures nécessaires à la transition écologique. Dans le monde globalisé dans lequel nous vivons, l’État ne semble plus souverain dans la prise de décision, et semble dépassé par les questions environnementales. L’État n’est plus le principal acteur pour lutter contre le dérèglement climatique et sans des décisions prises à l'échelle nationale, des initiatives prennent les devants pour faire face à l'urgence climatique.
Les chercheurs qui s’intéressent depuis quelques années à la transition écologique ont théorisé ce changement de paradigme que l'on retrouve dans la plupart des sociétés occidentales. René Audet a défini deux types de transition écologique : la transition technocentriste et la transition écocentriste. La première part du principe que la transition est inévitable et nécessite ainsi un nouveau paradigme sociétal : l’État doit alors prendre à sa charge les coûts inhérents à la transformation de la société. Le second voit la transition comme partant de la base, c’est l’exemple des villes et le développement des quartiers “durables” ou des entreprises de plus en plus impliquées dans les mesures RSE. Cette seconde définition qui tend à devenir dominante tente d’initier des changements structuraux profonds en proposant de nouveaux modes de vie et de consommation.
Des pressions diverses s'exerçant sur l'entreprise
Le consommateur est devenu au fil du temps, un acteur de plus en plus important dans la transition écologique. Conscient de l’impact écologique de sa consommation, il est devenu ce que l'on appelle un consom’acteur dont les choix de consommation impactent les entreprises et leur fonctionnement. Les termes de boycott et de buycott, qui sont entrés dans les usages, montrent le poids croissant des consommateurs dans les modes de fonctionnement des entreprises.
Selon un article "Les Échos" et Utopies, une marque possédant une image positive présente une moyenne d’intention d’achat 2,4 fois supérieur, or on retrouve aujourd'hui une corrélation très forte entre image positive et image verte.
Si le consommateur est devenu un acteur central dans la transition écologique des entreprises, ce dernier est souvent influencé par des acteurs privés : ONG, médias, syndicats et autres. Par une stratégie de "Name and Shame” qui vise à pointer du doigt les entreprises aux faibles consciences écologiques ou très polluantes, les ONG mettent en place des campagnes de dénigrement envers les entreprises peu respectueuses de l'environnement. C’est dans cette logique qu’en 2019, le CDP ou "Carbon Disclosure Project", pointait du doigt près de 700 entreprises pour leur manque de transparence en termes d’impacts climatiques, sécurité de l’eau et déforestation. Ce type de campagne a un très fort impact sur le consommateur qui, informé de l’impact écologique des entreprises, est plus apte à modifier sa consommation. Mettre en place des mesures plus respectueuses de l’environnement, offre donc un avantage compétitif vis-à-vis des concurrents qui préfèrent rester dans des schémas plus anciens. Les entreprises font aujourd’hui face à un choix : rester dans un ancien modèle avec le risque d’être attaquées par les ONG, de plus en plus populaires et de plus en plus écoutées, en risquant de perdre l’affection des consommateurs, ou se tourner vers l’avenir en innovant.
Une très forte pression s’exerce également sur les entreprises de la part des investisseurs. Depuis la fin des années 2000, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, près d’un dollar investi sur neuf est investi dans une perspective de responsabilité sociale et/ou environnementale. En témoigne la prise de position de BlackRock en janvier 2018, dans laquelle le plus grand gestionnaire d’actif du monde appelle les patrons d’entreprise à “montrer comment elle [l’entreprise] apporte une contribution positive à la société”. Cela va de pair avec ce que le groupe avançait deux ans plus tôt en annonçant qu’il était "temps pour tous les investisseurs de s'intéresser au changement climatique". En France, le 9 septembre dernier, La Banque des Territoires et Bpifrance annonçait le lancement d’un Plan Climat commun de près de quarante milliards sur la période 2020-2024. Le but : développé une dynamique écologique dans les entreprises en investissant vingt milliards d’euros pour les aider à accélérer leur transition.
"Il est temps pour tous les investisseurs de s'intéresser au changement climatique"
Les collaborateurs jouent également un rôle décisif dans la volonté des entreprises d’entreprendre une transition écologique et sociale. Les politiques volontaristes des entreprises impactent beaucoup sur les conditions de travail des collaborateurs et in fine sur la rotation de la main-d'œuvre notamment. De nombreux exemples ont montré qu’un engagement environnemental des entreprises avait les mêmes conséquences. En 2007, Toyota transfère l’entièreté de ses collaborateurs dans un bâtiment neuf et écologique, en résulte une baisse de l’absence des employés de 14%. Une enquête COI (Changement Organisationnels et Informatisation) de 2006 montrent que les collaborateurs qui travaillent pour une entreprise “verte” déclarent se sentir plus impliqués dans leur travail et sont plus susceptibles, toutes choses égales par ailleurs, de faire des heures supplémentaires non rémunérées. On retrouve une réelle volonté de la part des collaborateurs de transformer l’entreprise dans laquelle ils travaillent.
La RSE : entre internalisation des coûts et proactivité
Mettre en place des mesures RSE, c’est pour les entreprises le moyen de limiter des coûts actuels mais aussi anticiper des coûts futurs. Aujourd’hui, pour n’évoquer que la question énergétique, cet enjeu représente entre 10 et 20% du budget des entreprises ; économiser l’énergie c’est inévitablement induire une baisse de la facture énergétique. Depuis quelques années, une dynamique est en place chez le législateur dans la mise en place de mesures environnementales. Le meilleur exemple est la loi EGalim du 30 octobre 2018, qui a permis l’interdiction en 2020 des pailles, couverts, batônnets et autres vaisselles en plastique. Les entreprises proactive, mettant en place des mesures tournées vers l'environnement avant de devoir réagir aux réglementations, voient ainsi les coûts de ces dernières réduits. De plus, le régulateur est souvent plus apte à être plus souple vis-à-vis des entreprises vertueuses en tentant de limiter les coûts d’une mesure. Les réglementations environnementales ont tendance à être plus souple pour les organisations ayant déjà entrepris des décisions écologiques.
Le désir grandissant des consommateurs pour une réduction des activités néfastes sur l’environnement, cumulé d’une réduction des coûts liés aux externalités (réglementations, attaques des ONG...) offre une réelle opportunité pour les entreprises. La transition écologique coûte souvent cher, mais avec l’urgence climatique qui se fait grandissante et les futurs coûts que cela pourrait impliquer, mettre en place des mesures aujourd’hui, c’est être proactif sur les problématiques futures.
L'entreprise s'est imposé comme un acteur majeur de la transition écologique, face à des pouvoirs publics jugés trop lent ou peu actif. Les entreprises ont su prendre les devants et initier une dynamique de progrès. Le monde change et l'entreprise tente de répondre aux problématiques que lui posent les acteurs avec lesquelles elle interagit au quotidien. Faire le choix de dire adieu au passé pour se lancer dans le futur est un choix souvent couteux, mais c'est miser sur l'avenir et le progrès.
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